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14 avril 2025Pratiques d’élevage : comment font nos voisins Irlandais ?

L’Irlande, réputée pour ses vastes prairies verdoyantes, a développé un système d’élevage bovin allaitant largement basé sur l’herbe et une gestion optimisée des ressources. Notre équipe Génétique Viande s’est rendue en Irlande pour découvrir les pratiques des éleveurs irlandais et leur approche en matière de sélection génétique et de durabilité. Retour sur cette immersion au cœur de l’élevage allaitant irlandais !

L’Irlande, championne de l’élevage extensif
L’Irlande est un acteur majeur de la production de viande bovine en Europe. En 2019, elle se classait au 4ᵉ rang européen avec 10,4 % de la production totale. Ce secteur représente 27 % de la valeur agricole du pays, soit 2,3 milliards d’euros (Ministère de l’Agriculture, 2022).
Son modèle repose également sur une image forte de durabilité et de production naturelle, notamment grâce à l’initiative « Origin Green », qui valorise une agriculture respectueuse de l’environnement.
L’Irlande bénéficie d’un climat océanique tempéré qui permet une pousse de l’herbe presque toute l’année. 95 % de l’alimentation des bovins allaitants est basée sur l’herbe fraîche ou récoltée, ce qui représente en moyenne 220 jours de pâturage intégral (jour et nuit) chaque année, soit plus que dans la plupart des autres pays européens (Idele, 2021).
Les éleveurs organisent les vêlages au printemps pour coïncider avec la période de forte pousse, favorisant une croissance optimale des veaux tout en réduisant les coûts de production.
Production de viande bovine en Irlande : quelques chiffres clés
D’après la revue annuelle publiée par le ministère de l’Agriculture Irlandais, le nombre total de bovins abattus dans les abattoirs Irlandais s’est élevé à 1,87 million en 2023 avec une diminution de 2,2% par rapport à l’année précédente (dont 37% de JB, 30% de génisses, 23% de vaches, 8% de taureaux et 2% de veaux).
Le poids carcasse moyen pour un JB en 2023 était de 347 kg, avec un prix moyen du kg carcasse pour un JB R3 de 4,96€/kg, soit 4% en hausse par rapport à 2022. En comparaison avec la France sur 2023, le prix moyen du JB R3 était de 5,27€/kg (Idele, 2024).
Les éleveurs Irlandais privilégient des animaux précoces avec des poids adultes modérés, alignés sur la demande du marché. Les carcasses recherchées pèsent généralement entre 280 et 380 kg. Cette fourchette de poids permet d’assurer une proportion adéquate de morceaux de qualité et d’optimiser la rentabilité pour les différents acteurs de la chaîne de production et de distribution Irlandaise. Il est important de noter qu’une importance significative est attribuée au poids carcasse dans les évaluations irlandaises, puisqu’il représente 41 % de l’Index terminal (ICBF, 2019).
Côté exportations, près de 3 milliards d’euros de viande bovine, soit 475 600 tonnes, ont été exportées en 2023. Les trois premières destinations d’exportation sont le Royaume-Uni (212 778 tonnes – 1 383 M€), la France (58 487 tonnes – 371 M€) et l’Italie (28 078 tonnes – 239 M€).

Sélection Génétique en Irlande
L’Irish Cattle Breeding Federation (ICBF) en Irlande, l’institut technique de l’élevage bovin irlandais, publie les index en se basant sur une évaluation multi-caractères et multiraciale (ICBF, 2019).
Cette approche est essentielle compte tenu de la structure du cheptel allaitant irlandais, où un petit nombre de troupeaux de race « pure » fournit des taureaux reproducteurs pour des troupeau de vaches commerciales majoritairement croisées. Dans ces élevages, l’utilisation de taureaux d’IA étrangers est importante et de nombreux reproducteurs sont également importés de l’étranger. Dans le cadre de son voyage technique, le pôle Viande a eu l’occasion de rencontrer l’une des trois entreprises d’insémination du pays : Dovea Genetics où plusieurs taureaux AURIVA sont au catalogue.
L’€urostar est un index axé sur la rentabilité, conçu pour les bovins allaitants Irlandais divisé en deux catégories : l’Index Terminal et l’Index de Renouvellement. Comme son nom l’indique, l’« €urostar » évalue les animaux avec une note sous forme d’étoile allant de 1 à 5 étoiles. Ce classement indique le niveau génétique d’un animal au sein de la population : 5 étoiles signifient que l’animal se situe dans les 20 % supérieurs de la population, chaque étoile représentant 20 % de celle-ci.

L'importance du croisement dans les troupeaux irlandais
Le croisement est massivement utilisé pour améliorer la qualité et la rentabilité des troupeaux. Environ 60 % des veaux issus de mères allaitantes sont croisés. Peu de vaches sont élevées en race pure et les races françaises jouent un rôle clé dans les principaux noyaux de sélection : la Limousine, la Charolaise, l’Angus, la Salers, la Blonde et l’Aubrac.
Ces animaux purs servent à produire des animaux qui seront utilisés en croisement sur les troupeaux dits « commerciaux ». Ces troupeaux sont presque exclusivement composés d’animaux croisés et cherchent à maximiser l’effet d’hétérosis tout en combinant les atouts des différentes races pour mieux répondre aux exigences du marché.
Les Blondes sont appréciées pour leur poids et leur rendement carcasse, des taureaux Blanc Bleu ou Limousins très développés sont souvent utilisés sur des Blondes pour faire naitre des broutards fins et éclatés musculairement. L’Aubrac quant-à-elle est principalement utilisée par les éleveurs Irlandais pour sa rusticité et sa fertilité (Réussir Bovin Viande, 2015).

Le croisement lait-viande est également largement utilisé en Irlande et a pris de l’ampleur dans le troupeau laitier notamment grâce au programme « Dairy Beef Calf Program » qui incite les éleveurs laitiers à engraisser les veaux (Idele, 2021). Pour ce type de croisement, la durée de gestation est un critère essentiel pour les éleveurs. Elle doit être courte pour maximiser les vêlages à la période optimale. Un index durée de gestation est d’ailleurs calculé par l’ICBF et apposé sur les catalogues Irlandais de taureaux de croisement lait-viande.
Les défis environnementaux et les solutions mises en place
L’agriculture irlandaise représente 37 % des émissions de gaz à effet de serre du pays, avec une forte contribution du méthane issu des bovins. De plus, la qualité de l’eau est en baisse, et les émissions d’ammoniac dépassent les plafonds européens. Le problème est pris très au sérieux par le gouvernement et le secteur est soumis à des pressions croissantes pour aller vers plus de durabilité notamment via le nouveau plan d’action climat adopté par le gouvernement. L’objectif est de réduire de 20 % les émissions de GES du secteur agricole d’ici 2030, tout en maintenant un modèle économique viable (ministère de l’Agriculture, 2022).
Face à ces enjeux, la génétique est une réponse notamment grâce à l’Irish Beef Data and Genomics Program (BDGP), un programme lancé en 2015 visant à réduire l’intensité des émissions de GES en améliorant la qualité, l’efficacité et la valeur génétique du troupeau allaitant national grâce à la collecte de données et au génotypage. Dans le cadre de ce projet : 2,5 millions d’animaux ont été génotypés, aboutissant en 2023 à la publication de la première évaluation des émissions brutes de méthane entérique sur des taureaux d’IA par l’ICBF.
En allaitant, la France travaille également sur un projet de réduction des émissions de méthane entérique dans les élevages bovin notamment avec le projet METHANE 2030 dont Auriva est partenaire. Auriva mène des essais en race Blonde d’Aquitaine à la station Qualités Maternelles de Casteljaloux.
Un modèle d'élevage familial
Le nombre d’élevages bovins allaitants diminue en Irlande, cette baisse découle en partie de la conversion des exploitations en faveur de l’élevage laitier. Les cheptels comptent en moyenne 18 vaches, ce sont des exploitations majoritairement familiales ou détenues par des doubles actifs. Cette structure favorise le recours à l’IA, avec une attention particulière portée aux facilités de naissance dans le choix des reproducteurs, les éleveurs disposant de peu de temps à consacrer à la surveillance des animaux.
La taille moyenne des exploitations était de 35 ha en 2019. Le prix du foncier constitue cependant un frein à l’agrandissement des exploitations : 15 800€/ha pour des prairies permanentes et 28 000 €/ha en pour des terres arables moyenne en 2019. Ce marché foncier agricole reste également très restreint, avec seulement 0,3% de la SAU vendue chaque année (Idele, 2021).
Le Pôle Génétique Viande AURIVA-Elevage en Irlande
Dans le cadre de ce voyage technique, le pôle Génétique Viande AURIVA a eu l’occasion de découvrir plusieurs élevages et organismes irlandais :
- Station d’évaluation de performance sur descendance de l’ICBF
- Station et laboratoire de Dovea Genetics
- Irish Aubrac Society, organisme représentant de la race Aubrac en Irlande
- Irish Blondes Cattle Society, organisme représentant de la race Blonde d’Aquitaine en Irlande
Et de nombreuses visites de fermes :
- Adrian BOURKE – Elevage de Blondes d’Aquitaine pure race et croisées
- Paul RYAN – Elevage laitier avec croisement terminal (Hereford et Angus)
- DELANEY FARM – Elevage laitier avec croisement terminal (Hereford, Angus, Limousin)
- Lattin Blondes – Elevage de Blondes d’Aquitaine pure race et croisées
- Glenwood Blondes – Elevage 100 % Blondes d’Aquitaine pure race
- DEEREPARK – Elevage 100 % Aubrac pure race
- Johnstown Aubracs and Blue Texels – Elevage 100 % Aubrac pure race et Blue Texel (ovin)
Sources
Bonaiti, B., & Boichard, D. (1995). Accounting for foreign information in genetic evaluation. Interbull Bulletin, 11.
Schaeffer, L. R. (1994). Multiple-country comparison of dairy sires. Journal of Dairy Science, 77, 2671–2678.
Institut de l’Élevage. (2021). Les filières lait et viandes en Irlande : toujours conquérantes malgré Brexit et contraintes environnementales. Consulté sur https://idele.fr/?eID=cmis_download&oID=workspace%3A%2F%2FSpacesStore%2Ff38fc674-acf9-4120-8821-e50cb7e71667&cHash=60d1b0e62a58b0346b04065336635eed
Tema Agriculture & Terroirs. (2018). La génétique comme réponse aux enjeux environnementaux. Consulté sur https://www.tema-agriculture-terroirs.fr/cultivar-elevage/genetique/la-genetique-comme-reponse-aux-enjeux-environnementaux-880476.php
Réussir Bovins Viande. (2015). Le croisement toujours incontournable en Irlande. Consulté sur https://www.reussir.fr/bovins-viande/le-croisement-toujours-incontournable-en-irlande
Irish Cattle Breeding Federation (ICBF). (2019). Incorporation of Foreign EBVs. Consulté sur https://www.icbf.com/wp-content/uploads/2019/03/Incorporation-of-Foreign-EBVs.pdf
Irish Cattle Breeding Federation (ICBF). (2019). Beef Evaluation Document. Consulté sur https://www.icbf.com/wp-content/uploads/2019/05/Beef-Evaluation-Document.pdf
Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. (2022). Irlande. Consulté sur https://agriculture.gouv.fr/irlande
Government of Ireland. (2024). Annual Review and Outlook for Agriculture, Food and the Marine 2024. Consulté sur https://www.gov.ie/en/press-release/fac27-annual-review-and-outlook-for-agriculture-food-and-the-marine-2024-published/
Institut de l’Élevage. (2024). Chiffres clés bovins 2024 – Productions lait et viande. Consulté sur https://idele.fr/detail-article/chiffres-cles-bovins-2024-productions-lait-et-viande